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(8-12 ans) Nasreddin le farceur (Nouvelles (ados-préados))

Nasreddin, le farceur
Conte de Turquie


raconté par Ann Rocard



Dans les contes du monde oriental, Nasreddin est un personnage très connu qui apparaît dans de nombreuses histoires courtes.



Autrefois dans une ville de Turquie vivait un homme joyeux, savant et rusé qui s'appelait Nasreddin. Il était fort pauvre, mais quand il avait froid, faim ou soif, il trouvait toujours une idée pour se tirer d'embarras.
Un jour, il prit deux cruchons identiques, l'un vide et l'autre plein d'eau ; il les cacha sous son large vêtement et se rendit à l'auberge.
« Bonjour, aubergiste, dit-il en tendant son cruchon vide. J'aimerais goûter ton meilleur vin. »
L'aubergiste remplit le cruchon de bon vin et Nasreddin le plaça sous son vêtement.
« Oh, là ! grogna l'aubergiste. Quand me paieras-tu ?
— Demain !
— Pas question ! Rends-moi mon vin immédiatement. »
Nasreddin soupira et tendit son cruchon plein d'eau. L'aubergiste ne se rendit compte de rien et il versa l'eau dans son tonneau. Quel farceur, ce Nasreddin !

Une autre fois, Nasreddin se rendit sur la place du marché pour respirer du pilaf qu'un cuisinier préparait. Hum... un plat délicieux, fait de riz, de poivre rouge et de viande !
« Oh, là ! protesta le cuisinier. Tu dois me payer dix pièces d'or pour avoir le droit de sentir mon pilaf. »
Le lendemain, Nasreddin emprunta dix pièces d'or et il les fit sonner l'une contre l'autre, près de l'oreille du cuisinier. Puis il expliqua avec un clin d’œil :
« Le son de mes pièces en échange du parfum de ton repas, voilà qui est parfaitement normal ! »
Le cuisinier en resta bouche bée* et Nasreddin s'en alla en riant.

La semaine suivante, Nasreddin suspendit deux perdrix au bout d'un bâton et parcourut la ville en criant :
« Achetez des moineaux ! Douze moineaux pour une livre ! »
Un vieil avare l'aperçut et ricana :
« Quel fou ! Il ne distingue pas une perdrix d'un moineau. »
L'avare s'approcha de Nasreddin et lui tendit de l'argent :
« Tiens, je t'achète douze moineaux.
— Merci », dit Nasreddin.
Il ouvrit le sac qu'il portait sur l'épaule et en sortit douze moineaux... C’est bien ce qu’il voulait, n’est-ce pas ? L’avare eut beau protester, rien n’y fit ! Et Nasreddin poursuivit son chemin.

Un peu plus tard, Nasreddin rencontra deux potiers en voyage, deux potiers qui vendaient leurs grandes cruches de terre cuite.
« Bonjour ! dirent les potiers. Où habites-tu ?
— Dans la ville d'Ala-Shéir, sourit Nasreddin.
— C'est là que vit le fameux farceur ? Nous, il n'arriverait pas à nous berner ! s'exclamèrent les potiers. Nous sommes cent fois plus malins que lui. »
Nasreddin plissa les yeux et demanda :
« Combien vaut une grande cruche comme celle-là ?
— Cent dinars, répondit le premier potier.
— Ce n'est pas cher, remarqua Nasreddin. Mon maître paie dix dinars par demi-kilo. Cette cruche pèse au moins dix kilos. Ce qui nous fait deux cents dinars !
— Guide-nous jusqu'à Ala-Shéir ! ordonna alors le deuxième potier. Nous avons hâte de rencontrer ton maître et de lui vendre nos cruches. »
Nasreddin obéit et conduisit les deux hommes à Ala-Shéir. Quelques heures plus tard, il laissa les potiers à l'entrée de la ville et il alla chercher une balance et vingt dinars chez lui. Puis il revint en courant et annonça aux potiers :
« Mon maître vous en achète un kilo ! Chez nous, les cruches s'achètent au poids.
— Quoi ? sursautèrent les deux hommes. Nous n'allons pas casser une cruche pour n'en vendre qu'un morceau ! »
Nasreddin haussa les épaules et fit demi-tour.
« Oh, là ! se fâchèrent les potiers. Nous n'avons pas fait tout ce chemin pour rien !
— Pas pour rien ! Oh, ça non ! dit le farceur en éclatant de rire. Aussi vrai que je m'appelle Nasreddin, je peux berner les habitants du monde entier, même les potiers les plus malins ! Ah, ah, ah ! Non, en effet, vous n’avez pas fait tout ce chemin pour rien ! »