POURQUOI LE DIRECTEUR PORTAIT-IL DES BRETELLES ROUGES ?
(histoire parue dans la collection Hachette Vacances)
POURQUOI LE DIRECTEUR PORTAIT-IL DES BRETELLES ROUGES ? - Ann Rocard
Florent et Sonia allaient à la même école, rue du général Krapo.
Ils avaient la même maîtresse, madame Biglette qui portait bien son nom : elle ny voyait pas à plus de trois mètres.
Florent et Sonia sentendaient à merveille. Amoureux ? Non, mais inséparables.
Comme chaque matin, Florent rejoignit Sonia dans la cour de lécole :
« Salut !
Tu as vu ? chuchota Sonia.
Vu qui ? Vu quoi ?
Le directeur... »
Florent se retourna : le directeur se tenait près de lentrée, pareil à lui-même, sourcils en broussaille, moustache en bataille.
« Eh bien, que se passe-t-il ? sétonna Florent.
Il a mis des bretelles rouges », murmura Sonia.
Florent haussa les épaules : des bretelles rouges ! Et alors ? Dhabitude, elles étaient jaunes. Cela navait aucune importance.
Mais Sonia prenait un air si mystérieux que Florent finit par sinquiéter :
« Tu sais quelque chose ?
Je ne sais pas. Je sens ! »
Florent renifla un grand coup, mais il ne sentit rien du tout.
« Je sens là ! » ajouta Sonia en se frappant le front.
Florent éclata de rire :
« Ah, ah, ah ! Drôle de nez ! Tu naurais pas un rhume de cerveau, par hasard ? »
Soudain Florent cessa de rire : le directeur tirait sur ses bretelles dune drôle de façon : une fois à droite, deux fois à gauche... Puis il frappa dans ses mains et les élèves gagnèrent le hall.
Toute la journée, Florent et Sonia se lancèrent des coups dil complices.
La grande question était posée : POURQUOI LE DIRECTEUR PORTAIT-IL DES BRETELLES ROUGES ?
* * * * *
Pendant que la maîtresse écrivait au tableau, les deux enfants regardaient par la fenêtre.
Décidément, le directeur avait un comportement bizarre ! Il sortait sans arrêt de son bureau, marchait à grands pas dans la cour et tiraillait ses bretelles.
« Forent ! lança madame Biglette. Quest-ce que je viens de dire ?
Heu...
Mais encore ? insista la maîtresse.
Bre... bre... bretelles rouges... » bafouilla Florent.
Toute la classe éclata de rire. Madame Biglette essuya ses lunettes et écarquilla les yeux :
« Tu as bien entendu ma question ?
Heu... oui...
Que portait Napoléon ? Des bretelles rouges ? »
La maîtresse hocha la tête et ajouta :
« Hum... Pourquoi pas ? Le directeur en porte bien ce matin. »
Ça alors ! Madame Biglette, elle aussi, lavait remarqué ! Sonia et Florent en restèrent bouche bée.
* * * * *
Le lendemain samedi, les élèves attendaient seuls dans la classe, quand le directeur entra :
« Bonjour, les enfants ! Madame Biglette sera absente jusquà vendredi prochain. Je vais vous surveiller jusquà larrivée du remplaçant.
Cest plutôt nous qui le surveillerons... » murmura Sonia.
En effet, pendant toute la matinée, elle ne le quitta pas des yeux : le directeur sapprochait souvent de la fenêtre, puis griffonnait quelques signes sur une feuille de papier.
« Regarde la maison aux volets bleus, chuchota Florent. De temps en temps, une lampe sallume et séteint. Cest peut-être un code secret.
Cherche dans le dictionnaire à la lettre M, conseilla Sonia.
La lettre M ? Tu ne sais pas écrire MAISON ? »
Sonia haussa les épaules :
« M comme MORSE, gros MALIN ! Cest sûrement du code morse. »
Florent feuilleta rapidement le dictionnaire et trouva enfin ce quil cherchait :
ALPHABET MORSE
a :
b :
c :
d :
e :
f :
g :
h :
i :
j :
k :
l :
m :
n :
o :
p :
q :
r :
s :
t :
u :
v :
w :
x :
y :
z :
1 :
2 :
3 :
4 :
5 :
6 :
7 :
8 :
9 :
0 :
Pendant ce temps, la lampe clignotait toujours : bref, long, bref...
Les deux enfants neurent le temps de déchiffrer que la fin du message :
R D V 22 H
et la lampe séteignit définitivement.
« Sortez en récréation ! » dit le directeur de sa grosse voix.
Et les élèves séparpillèrent...
Dans la cour, Florent et Sonia ne savaient que faire. Sils racontaient cette histoire à la police, personne ne les croirait.
« Et ton oncle qui travaille à la mairie ? demanda Sonia.
Il me dira que je regarde trop de films policiers, soupira Florent. Nous devons nous débrouiller tout seuls.
Tu es fou ! sursauta Sonia. Si le directeur est un bandit de grand chemin, cest terriblement, affreusement, horriblement dangereux ! »
Quallaient-ils décider ?
Un RDV, sans doute un rendez-vous, était fixé à 22 heures.
Mais quand et où ? Se rendraient-ils ce soir dans le jardin de la maison aux volets bleus ? Ils nen savaient encore rien.
* * * * *
La nuit venue, il était presque vingt-deux heures, quand Florent et Sonia se retrouvèrent près de lécole.
« Tu as prévenu tes parents ? demanda Florent.
Je nai pas osé, avoua Sonia.
Moi, cest pareil. Chut ! Regarde cette ombre : on dirait le directeur ! Cachons-nous... » ordonna Florent.
Terrifiés, Florent et Sonia senfuirent à toute vitesse et rentrèrent chez eux.
* * * * *
Au début de la semaine suivante, les élèves découvrirent un étrange article dans le journal :
TAUPEVILLE
ARRESTATION DUN ESPION
Maurice Gromino, directeur de lécole,
rue du général Krapo
Samedi soir, la police a arrêté un groupe despions qui se cachait dans une maison aux volets bleus. Le chef de la bande, Maurice Gromino, leur remettait chaque mois des renseignements ultrasecrets. Quand Gromino possédait des documents confidentiels à transmettre rapidement, il utilisait un signe de ralliement plutôt voyant : il portait des bretelles rouges. Suite page 12.
Lévénement était tellement exceptionnel que madame Biglette renonça à son arrêt et regagna lécole.
Les enfants nen revenaient pas : le directeur, un espion ! Cétait incroyable, inimaginable !
Seuls, Florent et Sonia restaient à lécart.
« Je ne métais pas trompée, dit Sonia. Je lavais senti...
Malgré ton rhume de cerveau, tu as vraiment du nez ! » reconnut Florent.
Soudain, Sonia simmobilisa et chuchota :
« Tu as vu ?
Vu qui ? Vu quoi ?
La maîtresse ! Elle a mis des lunettes vertes !
Tu sais quelque chose ? sinquiéta Florent.
Je ne sais pas. Je sens. »