Nouvelle écrite pour les élèves du collège de Port-en-Bessin (Basse-Normandie) - printemps 2003.
DANS LA CRYPTE
Ann Rocard
Avec ma classe, on visitait la cathédrale de Bayeux.
Grise et majestueuse.
Je découvrais des bas-reliefs étonnants : des monstres enlacés, un lion qui survolait un dragon tenant dans ses serres une tête humaine... et jimaginais le sculpteur penché sur un bloc de pierre.
On descendit ensuite dans la crypte où des archéologues avaient découvert un coffre contenant la fameuse Tapisserie de la reine Mathilde. Une broderie de soixante-dix mètres de long ! Le prof dhistoire nous lavait montrée le mois dernier.
Jétais plus impressionné par la crypte de petite taille que par la cathédrale elle-même. Dans un enfeu se dressait une statue décapitée... Peut-être à lépoque de la révolution ? Il y a toujours des fous pour détruire ce que dautres ont réalisé.
Déjà, les élèves remontaient lescalier. Julie me faisait signe de la suivre. Mais je préférais rester encore un peu.
Je ressentis comme une présence et crus entendre des voix murmurer.
Des ombres dansaient dans la crypte. Des ombres de plus en plus visibles.
Je sursautai. Ils étaient là, debout : Guillaume, le duc de Normandie. Ses barons. Lévêque... Et celui-ci, qui prêtait serment, ne pouvait être quHarold. Il parlait, la main posée sur un tabernacle, mais je ne percevais quun brouhaha.
Je me tenais à deux mètres du groupe, derrière un pilier. Respirant à peine.
Quel rêve étrange !
Depuis le début de lannée scolaire, nous avions étudié cette époque, lhistoire du duc de Normandie, la conquête de lAngleterre... Le sujet me passionnait vraiment. Et voilà que je me trouvais plongé en rêve dans cette période lointaine. Oui, cétait étrange !
Je me pinçai pour me réveiller et rejoindre ma classe. Impossible de bouger !
La scène se déroulait devant moi. Je sentais lodeur forte de ces hommes. Jaurais pu les toucher... Et je comprenais maintenant ce quils disaient.
Guillaume déclara dune voix satisfaite :
« Bien, Harold ! Je te fais confiance. »
Alors, je ne pus mempêcher de mexclamer :
« Méfiez-vous ! Il va se parjurer ! »
Jélevai la voix, mais personne ne semblait mentendre. Evidemment, dans les rêves et les cauchemars, cela arrive souvent.
« Méfiez-vous, Guillaume ! Harold se proclamera roi à votre place. Faites quelque chose ! Cela évitera une immense bataille et de nombreux morts. »
Guillaume haussa un sourcil et interrogea ses barons :
« Quest-ce ? Il me semble quon nous espionne. Ecoutez !
- Rien. Pas un bruit », affirma lun des hommes présents.
Détendu, le duc de Normandie se lança dans un discours enflammé. Harold recula lentement dans ma direction et soudain, me fit face :
Peu à peu, Guillaume, ses barons et toutes les personnes présentes se fondirent dans le brouillard. Mon rêve sachevait.
« Quest-ce que tu fais ? cria Julie du haut de lescalier. On te cherche partout. Tu dormais ?
- Oui...
- Tu es tombé ou quoi ? Tu saignes ! »