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Les Poèmes de l'aube - janvier à avril (1)

CHALLENGE 2021
LES POÈMES DE L'AUBE
de JANVIER à AVRIL
Un poème chaque matin...



Suite du challenge 2021 : de MAI à AOÛT

Suite du challenge 2021 : de SEPTEMBRE à DÉCEMBRE


JANVIER



Début janvier 2021, une nouvelle année commence. Souhaitons-la plus belle que la précédente, libérée d'un virus sournois.
Un poème chaque jour, parfois avec un peu d'avance ou de retard.
Poèmes à cueillir du bout des lèvres,
poèmes à partager.





Photo de l'auteure


(1) UNE PENSÉE...

Une pensée s’envole
et je rêve
d’un monde sans limites
où les rires se mêlent
au souffle de la lune,
à l’aube de l’éveil.

Une pensée chemine
et j’écoute
les paroles perdues
du vieillard endormi
et les balbutiements
de l’enfant étonné.

Une pensée renaît
et j’espère
que l’homme sans regrets
saura ouvrir les yeux
et redresser la barre
de la vie malmenée.

Ann Rocard





Photo de l'auteure



(2) VIOLENCE

La violence a semé
des graines de colère
sur les sentiers rongés
par les griffes du temps.

La violence rumine
ses envies délétères
et ne fait que détruire
les couleurs du présent.

Sans songer à demain
ni bâtir un ailleurs,
elle étend son pouvoir
et distille la peur.

La violence rugit
et les mots de Gandhi
gémissent sous les coups.

Un pâle espoir de paix
renaîtra de ses cendres
un jour,
un jour lointain...
Mais saurons-nous attendre ?


Ann Rocard






Photo de l'auteure


(3) LUEUR

Une lueur dans la nuit
Une lumière qui vacille,
danse incertaine,
danse improbable,
clarté de lait venue d’ailleurs,
clarté d’espoir dans la nuit noire.

Espoir si pâle,
pourtant présent
bien à l’abri au creux des paumes
pour échapper à la colère,
à l’injustice, à la révolte
qui souffle et s’essouffle en tempêtes,
pour ne pas s’éteindre
sous l’averse
de larmes ininterrompues.

Une lueur entre les mains
et l’espoir d’une renaissance
quand notre cœur est dévasté,
que la vie a perdu son sens.

Une lueur, tel un murmure,
presque invisible, inexistante.
L’espoir grandit,
l’espoir revit...
Et cette flamme s’en empare.
L’obscurité devient moins sombre,
un chant d’oiseau s’en fait l’écho.

Plus loin, plus tard,
des retrouvailles
et des chemins qui se recroisent
à l’infini.

Ann Rocard





Détail d'une céramique de l'auteure


(4) ÉTINCELLE D'UN INSTANT...

Je l’ai perçue dans ton regard,
cette étincelle à peine éclose.
Nous n’avions pas les mêmes mots,
les mêmes gestes de silence...
Et tout semblait nous séparer
accentuant nos différences.

Pourtant sur les chemins de vie,
nos deux destins se sont croisés,
une seconde au clair de nuit,
un court instant d’éternité.

Tu es mon frère,
tu es ma sœur
d’un monde qui m’est inconnu
et nous ne nous reverrons plus.
Mais nous avons su partager
de cœur à cœur,
et hors du temps
cette étincelle du levant,
une pensée d’égalité.

Ann Rocard





Céramique de l'auteure


(5) OISEAU DE PASSAGE

Je suis un oiseau de passage
à l’ombre d’un jardin secret,
brodé de vent, de fleurs sauvages...
Je suis l’oiseau d’un songe étrange.

Je siffle un refrain oublié
ou l’utopie du devenir
dans ce jardin, havre de paix...
Pinson, sittelle ou bien mésange.

Je rêve d’un monde nouveau,
d’un jardin bleu sans violence,
fleuri d’espoir, bercé de mots...
Ecoutez le souffle de l’ange !

Je suis l’oiseau du lendemain,
posé sur la branche du cœur,
l’oiseau qui choisit son destin...
Il est temps que le monde change.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(6) DES MOTS...

Des mots venus du cœur,
mots doux ou mots d’esprit,
sur la pointe des lettres,
juste un souffle sans bruit...
Des mots tout en couleur qui ne font que passer
sans oser résonner, des mots de l’intérieur.
Des mots qu’on garde en soi sur un long fil de soie,
ou des mots qui s’impriment
sur des feuilles immenses.
Mots de vie, mots d’espoir,
mots vibrant de silence.

Puis un matin sans doute,
les voilà qui s’élancent.
Posés au bord des lèvres,
Ils trébuchent,
ils hésitent.
Sauront-ils s’envoler, se suivre ou s’égarer ?
Guidés par la lumière,
ils quittent le silence,
troublés par un écho, par l’écho d’autres mots.
Et ces mots qui s’envolent,
ensemble, réunis, donnent un nouveau sens
à ce qui les construit.
Ainsi naît la parole,
le lien qui nous unit.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(7) ÉCOUTE

Ecoute les bruits, le chant de la vie,
Ecoute les rêves
au fil de la nuit,
rêves épurés ou chargés d’embruns,
appels incompris, secrets incertains.
Ecoute les mots parfois murmurés
par ceux dont les choix ne sont que brouillard.
Ecoute leurs corps, leurs moindres regards.

Ecoute le vent muet de naissance.
Ecoute les voix noyées d’espérance.
Ecoute ton âme
venue de si loin,
elle a tant à dire,
ses mots sont les tiens.
Ecoute l’éther de la connaissance.
Ecoute sans fin le cœur du silence.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(8) VAGUE

La vague
divague
entre écume et soupirs.
La vague
élague
les larmes d’un sourire.
La bague
en vogue
à l’orée du désir.
La bogue
en vague
en quête d’avenir.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(9) LA MER A DES REFLETS DE GIVRE

L’aube s’étend de rose en gris,
la mer a des reflets de givre.
Et sur le sable qui crépite,
un cri d’oiseau soudain s’enivre.

Des pas s’éloignent sans retour,
l’horizon n’est qu’un souvenir.
Des pas en quête d’infini...
Le grand oiseau se met à rire.

Qui marche ainsi quand point le jour ?
Qui croit encore à l’utopie ?
Qui sont ces êtres invisibles
dont les pas sont signes de vie ?

L’aube s’étend de mauve en bleu,
le ciel a des reflets de mer.
Les pas s’éloignent,
l’oiseau les suit
sur le givre blanc du désert.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(10) IVRE DE GIVRE

Le givre
m’enivre


Je ressens un bonheur intense...
Etoile blanche au bord des feuilles
aspirée par la Voie lactée,
perles de glace qui m’accueillent.

Le givre
m’enivre


Les pensées n’ont plus d’importance...
Sous la dentelle des fougères,
je fais soudain partie d’un tout
en expansion et sans repères.

Le givre
m’enivre


Le froid m’entraîne dans sa danse...
Je glisse entre les fleurs de glace,
voyage au cœur de l’univers
entre les herbes qui m’enlacent.

Le givre
m’enivre
et me délivre


Ann Rocard





Photo de l'auteure
(Au fond à droite, Ouistreham où de nombreux migrants sont en attente d'un jour nouveau)



(11) ERRANCE

Tes yeux se sont fermés
sous un éclair de lune.
Tes mots se sont fanés,
un rien les importune.
La vie n’a plus de sens,
la vie n’est qu’une errance
quand le jour se fait nuit.
Et ta peine est immense.

Mais bientôt dans l’abîme,
une voix qui t’appelle,
une présence infime,
la caresse d’une aile...
Libéré des frontières,
un souffle de lumière
murmure à l’infini,
glisse sur tes paupières.

Tu recouvres la vue,
tu recouvres l’espoir
d’être enfin reconnu...
Et tu renais ce soir
dans un éclat de rire
bercé de souvenirs.
La lune de minuit
peut enfin refleurir.

Ann Rocard








(12) UN PETIT RIEN

Un petit rien,
le mien, le tien...
Un petit rien
que rien n’effraie.
Un vol de chouette
blanc dans la nuit
où seul renaît
le temps perdu d’un oiseau pâle.
Et son reflet dans le miroir
peut s’envoler sans qu’une trace
vienne prouver son existence.

J’aime le chant que son écho
laisse pourtant à la surface
de ce miroir peu déformé
qu’est la vie reprenant son cours.
La source ne tarit jamais
et le torrent bondit nerveux
entre les herbes d’un refrain.
J’aime son chant qui s’amenuise
et l’horizon que l’on atteint
un soir sans brise.

Ann Rocard





Acrylique sur toile (thème lumière)
Acryliques


(13) DANSE ÉPHÉMÈRE

Quelques points de lumière
perdus parmi les ombres,
une lueur d’espoir
à l’aube d’un sourire,
une main qui se tend,
deux trois grains de poussière…
et l’on donne en partage
une danse éphémère.

Quelques points de lumière
et l’univers explose
en des gerbes de feu
garance ou corallines,
bouquets incandescents
en mille éclats de verre...
et l’on donne en partage
un amour sans frontières.


Ann Rocard





Photo de l'auteure


(14) ANTHROPOCÈNE

Errant dans l’anthropocène,
ils ne savent où aller,
chassés les uns par le feu,
les autres par les marées.
Les mains tendues vers l’abîme,
pieds de sang sur les graviers,
la Terre est perdue pour eux,
la Terre est perdue pour elle.
L’homme assoiffé la détruit
buvant les sources lointaines
sans entendre la complainte
des plantes et des baleines.

Mis en scène et misanthrope,
comment fuir l’anthropocène
quand la glace s’évapore
et les typhons se déchaînent ?
Nombreux sont ceux qui pourtant
tentent de sauver la Terre,
mais les fous ne voient qu’eux-mêmes,
nombrils surdimensionnés...
Les fous gavés de pouvoir
n’écoutant que leur bien-être
se moquent du désespoir,
de tous ceux qui désespèrent.
Les plaies de l’anthropocène
ne seront pas éternelles,
quand les pluies d’or et d’étoiles
les panseront d’étincelles.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(15) LE VIEIL HOMME ET LE VENT

Le vent siffle à travers les murs
la complainte d’un vieil ermite.
Homme des steppes,
homme sans âge
qui caresse le fil du temps
à la poursuite inespérée
de l’improbable vérité.

Revêtu d’un manteau de neige,
il avance à pas de velours
vers l’Orient où doit renaître
un soleil plus vrai que nature.

Le vent criaille et s’évertue
à lui faire oublier son but.
« La vérité n’existe pas !
hurle le vent sur la toundra.
La vérité n’est qu’utopie,
rejoins les tiens, ta vie paisible ! »

Mais le vieil homme
sans fin sourit,
le regard fixé sur un monde
dont il ne perçoit que les sons
depuis qu’il a perdu la vue.
Monde aux couleurs de l’espérance,
monde de paix, sans faux-semblants
où la confiance est étincelles
et la vérité évidente.

Ann Rocard





Acrylique sur toile de l'auteure
Acryliques


(16) PRÉLUDE

Ferme les yeux, tout est prélude
à la venue d’un jour de miel.
Les doigts égrènent
sur les portées
des trilles aux reflets cuivrés,
deux trois soupirs
entre deux clefs.
Bel interlude...

Ouvre les yeux, tout est prélude
à l’explosion immatérielle
de quelques notes
en farandole,
délaissant dièses et bémols.
Et la musique
enfin s’envole.
Sans servitude.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(17) AU CŒUR D'UN ARBRE

Regard étrange au cœur d’un arbre
à l’affût de siècles perdus.
Regard au détour de l’écorce
dont la paupière se soulève
mais ne s’étonne plus de rien.
Regard pétrifié dans le marbre.

Regard fixe d’un centenaire
dans ce monde où tout évolue.
Il est le feu, il est l’esprit
de tous ceux qui l’ont précédé
entre broussailles et futaies
à l’orée d’un bois sans clairière.

Regard dont la pupille attire
un enfant surpris par la pluie,
un enfant qui croit aux esprits,
peuple invisible des forêts.
Mythe ou légende ?
Quelle importance...
Regard dont on ne saurait dire
s’il est empreint de connaissance.
Mais l’arbre peut grâce à l’enfant
revivre encore
quelques instants
puis dans un souffle s’évanouir.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(18) SPIRALE ÉPICÉE

J’aime la valse des spirales,
la plongée dans l’immensité
d’un songe orange et musical
où le jaune s’est égaré.

J’aime le refrain des spirales
et son écho qui s’évanouit
dans l’espace intersidéral,
étourdissante mélodie.

J’aime le parfum des spirales,
zestes d’agrumes,
poudres d’épices
de ces tourbillons apétales
qui me surprennent, m’étourdissent.

J’aime le souffle des spirales
souffle témoin d’un long voyage
dans un univers de cristal...
Imaginaire ou bien mirage ?

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(19) PORTE FERMÉE

Porte fermée d’un univers
fait de brumes impénétrables.
Porte fermée en bois vernis...
Trois coups frappés tel un écho
qui se répète à l’infini.

Trois coups que le silence emporte,
pâle reflet d’une élégie.
Ce monde opaque et inconnu
ne laisse entrer que les zéphyrs
qui se glissent par la serrure
à la ferrure alambiquée.

Porte limite entre deux mondes
qu’on pourrait pourtant réunir
si la lumière fleurissait
après tant d’années de ténèbres.

Porte fermée sur les non-dits,
les mots blessés, les gestes fous...
De part et d’autre de ce mur
infranchissable de brouillard,
des mains tremblent,
des yeux murmurent,
des chants muets se font entendre.

Qui saura entrouvrir la porte,
desceller les pierres de brume ?
Qui soufflera sur la pénombre,
fera valser les galaxies
et allumera,
une à une,
les étoiles
au cœur de la nuit ?

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(20) MARCHE ININTERROMPUE

Le refrain de nos amours
a bercé l’aube du temps.
J’ai marché d’un pas tranquille,
je me retournais souvent.

J’ai marché vers l’horizon,
espérant te retrouver
entre sables et nuages
quand s’inversent les marées.

J’ai marché, le cœur en fête...
Maintenant il se fait tard.
L’horizon s’est éloigné
telle une épave du soir.

Mais je marche, marche encore,
je n’ai pas perdu l’espoir
de te croiser sur la grève
et de cueillir ton regard.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(21) SILENCE

Le silence a perlé un soir dans les abysses
et dans ce brouhaha fait de mer enchaînée,
sa voix s’est fait entendre,
un souffle de sirène
émaillé de sanglots à peine perceptibles.
Le silence a parlé, tel un guide endeuillé.

Sa douleur était grande,
et ses larmes amères.
L’homme venait d’éteindre
le dernier survivant que la Terre ait porté,
un oiseau lumineux aux yeux couleur de lune,
un oiseau que chacun surnommait Liberté.

Pour la première fois s’exprimait le silence.
Et sa voix sans écho s’éteignit à jamais
en toute indifférence.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(22) BLEU

Le bleu s’étire entre les cimes
et les nuages vagabonds.
Le bleu glisse dans les abîmes
et s’alanguit dans les vallons.

Le bleu d’un jour parfois se grise,
la neige bleuit sur les branches.
Le bleu envoûte et hypnotise...
Bleu cérulé ou bleu pervenche.

Le bleu d’un hiver en péril
lisse les peurs et les ennuis,
en équilibre sur un fil...
Bleu synonyme d’infini.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(23) OMBRES

Quand des ombres se forment,
s’éloignent, se rassemblent,
quand des ombres s’envolent
ne sachant où aller,
je ne peux que souffler,
murmurer quelques mots
qui leur servent de voiles,
de radeaux de fortune.

Mes pensées vont vers elles,
ces ombres malmenées
que le destin délaisse.
Radeaux de la méduse
perdus dans la tempête.

Mes pensées vont vers elles,
leur courage insensé,
leurs espoirs impensables,
leur périple impensé.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(24) NEIGE PASSAGÈRE

Neige passagère
entre gris et vert...
Quelques vagues,
un peu d’écume
perlant au clair de la brume.

Neige sur la mer,
songe de l’hiver...
Une mouette
se met à rire,
un grand cri mauve et saphir.

Neige entre deux mots
nage entre deux eaux.
Plus un bruit,
tout est langueur.
La neige adoucit nos peurs.


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(25) Le mot égalité aurait enfin un sens

La vie d’un étourneau
se partage en rêvant,
la vie d’une hirondelle
pourrait en faire autant...

Pourtant les mots m’assaillent
sans fin, je m’interroge :
pourquoi la vie est-elle
un déluge de larmes
pour ceux qui n’ont plus rien,
pas même
l’ombre d’un soir ?
Pourquoi d’autres sourient
sans penser à demain,
tant d’autres s’émerveillent
sous un ciel sans nuages...
Pourquoi cette injustice
qui ne peut s’expliquer ?

Il y a si longtemps
que ces questions résonnent
dans ma gorge serrée,
sur mes lèvres muettes...
Si l’on pouvait cueillir
quelques brins de bonheur,
les tendre, les offrir,
savoir les partager...
Si la vie se parait
de plus d’humanité,
le mot égalité
aurait enfin un sens,
couleur insaisissable
au parfum de l’enfance.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(26) L'IVRE DE VIE, LIBRE DE VIE

Une page est tournée
mais n’a pas disparu,
d’infimes cicatrices
y resteront gravées.
Le livre de la vie
s’écrit au jour le jour.
Plume d’oie ou de fer,
taches d’encre trop noire,
cris et larmes amères.

Les pages peu à peu
deviennent plus légères,
de semaine en semaine
et d’année en année.
Tous les mots de papier
se font mots de lumière.
Dansant sans hésiter,
Ivres de vie sans crainte...
Ivres, libres et fiers.

Quand vient le crépuscule,
le livre se referme.
Sans un bruit ni regret...
tout serait à refaire.
Une page s’envole,
ce sera la dernière
de cette vie passée,
la première sans doute
d’une vie à venir.
Vie d’ombre et de sourires.
J’espère.

Ann Rocard





Acrylique sur toile de l'auteure
Acryliques


(27) LA ROSE DU TEMPS

La rose
du temps
a fleuri cet hiver
dans la nuit mauve
sans le moindre repère.

La rose
du temps
naïve, s’imagine
qu’elle est aimée
sauvée par ses épines.

La rose
du temps
n’est que rose des vents
à l’horizon
d’un éternel printemps.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(28) THÉ HIER ET AUJOURD'HUI

Thé d’un jour ou d’une nuit,
thé d’hier et d’aujourd’hui,
théière échappée d’un songe
fait de chants ou de mensonges.

Beau thé qui sans fin nous mène
où Proust et sa madeleine
s’égaraient en souvenirs.

Bon thé pour la bienveillance
thé orbe en toute confiance,
point d’orgue ou demi-soupir.

Sans thé, pas d’instant de pause,
de partage et de symbiose
sur les pas d’un tétras lyre.

Fier thé pour qui sait renaître,
vent thé, ouvrons les fenêtres.
Tout finit par s’éclaircir.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(29) LOINTAIN PAYS DE SON ENFANCE

Lointain pays de son enfance
où la mer le berçait de bleu,
mer océan ou mère aimante.

Lointain pays auquel il pense
en fermant lentement les yeux
fuyant les craintes qui le hantent.

Une image soudain s’élance,
une main lisse ses cheveux
Le voilà glissant sur les pentes.

Sa vie est une longue danse,
souvenirs de glace et de feu.
Trop souvent il la réinvente.

Le jour s’éloigne sans méfiance.
Est-il vraiment devenu vieux ?
La réponse le désoriente
si peu...

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(30) REFLETS

Quelques roseaux
au bord de l’eau,
immobiles, loin d’un grand chêne,
vieux rescapé de La Fontaine.

A la surface de l’étang,
le ciel se noie,
le ciel s’égare,
puis disparaît dans les sous-bois.

Vision étrange
quand seule est vraie
l’image d’un ciel que reflète
le miroir d’un lac oublié
entre les tiges de roseaux,
les nuages sauge et cuivrés.

Vision étrange,
entraperçue
par celui qui plonge en lui-même
pour y chercher un ciel rêvé,
la danse souple d’un poème,
ou le secret d’un haïku.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(31) MURMURE (chanson)

Te souviens-tu d’une rivière
qui serpentait au fond d’un bois
dans la grisaille de l’hiver,
et son murmure d’autrefois ?

J’écoutais le chant de la neige,
je goûtais les fleurs de silence...
La brise égrenait des arpèges,
pianissimo et transparence.

Te souviens-tu de cette pause
sur un pont de rondins verdis,
le temps d’une métamorphose
où l’ombre nous berçait de gris ?

Je sentais les blancs et les noirs
entrelacés dans la clairière
et je caressais du regard
de pâles bouquets de lumière.

Te souviens-tu de ce murmure
et de son refrain invisible,
telle une étrange enluminure
où plus rien n’était impossible ?

Quand les couleurs sont revenues,
nos chemins se sont séparés,
le murmure de l’eau s’est tu...
Dans ma mémoire,
il n’est resté
qu’une image désenchantée.

Ann Rocard



CHALLENGE 2021
LES POÈMES DE L'AUBE
Un poème chaque matin...


FÉVRIER






Photo de l'auteure


(1) L'AMOUREUX DES NUAGES


L’amoureux des nuages
est toujours à l’affût
d’un tableau insolite
qu’il ne reverra plus.

Une forme l’attire,
une couleur l’émeut
quand l’aube se retire
ou que le ciel prend feu.

Il se laisse aspirer
dans un monde sans âge,
il se laisse envoûter
sans craindre les naufrages.

Et dans chaque nuage,
il découvre un mystère,
histoire imprévisible
d’une pierre angulaire.

Il demeure en suspens
quand le ciel l’hypnotise,
il fait partie d’un tout
que le soleil irise.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(2) DANS UNE BULLE D'AIR...

Se laisser emporter dans une bulle d’air
et regarder la Terre
sans chercher à comprendre
pourquoi l’humanité a des côtés obscurs
qui jamais ne sauront disparaître ou faner.

Se laisser emporter, voir le monde à l’envers,
vert et bleu outremer pour effacer les ombres,
adoucir les contours des armes acérées
sans nager en eaux troubles
dans l’océan glacé.

Se laisser emporter... Voyage en solitaire,
vivre l’instant présent et frôler l’horizon.
Respirer sans languir, s’émerveiller de tout
et survoler la mer en toute liberté.

Se laisser emporter... Embarquer pour Cythère
et ne plus séparer rêve et réalité.
Puis revenir enfin à son point de départ,
apaisé,
libéré des chaînes du passé.

Ann Rocard




N'ayant jamais écrit d'haïkus,
j'ai soudain envie de me pencher sur cette forme brève,
au rythme très particulier (5 syllabes — 7 syllabes — 5 syllabes).
5—7—5, le temps d'une respiration... et les mots restent en suspens.





Photo de l'auteure


(3) HAÏKU 1

Le souffle de l’aube
soulève un voile d’écume
et le ciel s’embrume


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(4) HAÏKU 2

Pluie d’un jour limpide
dans un jardin éphémère
Perles chrysalides

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(5) HAÏKU 3

La neige alentour
chante des mots éternels
Pause intemporelle

Ann Rocard





Acrylique de l'auteure


(6) QUAND LE NOIR A PRIS FEU...

Hier tout était noir
noir de jais sur la grève.
Hier tout ressemblait
à un gouffre sans fond.
Soudain tout a changé
sans la moindre raison.

Hier tout était noir,
noir d’encre, noir sans sève.
Mais le noir a pris feu,
les flammes ont jailli
embrasant tout l’espace,
offrant leur énergie.

Hier tout était noir,
aujourd’hui tout est rêve.
Glissant par la lucarne
le soleil se languit
et des rais de lumière
dansent sur les taillis.

Hier tout était noir,
et la lune se lève.
L’été est encor loin
mais la chaleur émane
de la fenêtre ouverte
sur un monde diaphane.

Hier tout était noir,
tout explose sans trêve.
Le jaune est éternel
et couleur de l’oubli,
peau neuve de la terre,
il appelle la pluie.

Hier tout était noir,
le désespoir s’achève.
Jaune ne peut s’éteindre,
il franchit l’or du temps,
et rouge l’ensorcelle
dans une pluie de sang.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(7) HAÏKU 4

Posée sur mes lèvres
la douceur d’un rêve mauve
quand la nuit s’achève

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(8) HAÏKU 5

Rencontres fortuites
et larmes de stalactites
entre les rochers

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(9) HAÏKU 6

L’eau d’un vieux lavoir
n’est que l’illusion d’un soir
entre blancs et gris

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(10) VERS UN AUTRE DESTIN

De marche en marche
vers un autre destin,
un pas puis l’autre
d’un jour sans lendemain.
Sans hésiter,
une main sur la rampe,
glisser enfin
au cœur même
d’une estampe.

De marche en marche,
l’escalier nous attire
vers un ailleurs
parsemé de lampyres.
Sans hésiter,
guidés par la lumière,
glisser enfin
au cœur même
de la terre.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(11) HAÏKU 7

Une lune bleue
se pose dans l’air diaphane
sur un arbre en feu

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(12) HAÏKU 8

Des traces de pas
fuient l’écorce abandonnée
quand sonne le glas

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(13) HAÏKU 9

La mer de nuages
invente un nouveau mirage
Qui saura l’atteindre ?


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(14) HAÏKU 10

L’étoile d’un soir
glisse sur un lit de mousse
Songe aléatoire

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(15) HAÏKU 11

La clarté diffuse
au sein d’un lac intérieur
le parfum des heures

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(16) L'ONDE

L’onde a cherché ses mots
sans espoir ni repos.
Dans l’étang malmené,
les bleus se désespèrent.
Pourtant les mots perdus
sont parfois retrouvés.

L’onde élève la nuit
et les chants l’accompagnent.
Un mystère
dont le sens n’est pas encor compris.
La musique sépare ou parfois réunit.
La musique enveloppe
les amants qui s’enfuient.

L’onde est le reflet gris
des vies qui s’amoncellent
et dans ses eaux sans fond,
un être m’interpelle
Qu’a-t-il à dévoiler ?
Que veut-il me transmettre ?
Je fixe son regard dans l’océan du temps
et l’amour qui s’en suit s’éloigne du néant.

L’onde confie ses mots
à ceux qui les entendent,
les cueillent sans vouloir
en comprendre le sens.
Et quand le jour se lève,
ils saisissent enfin
ce mystère insoluble
que ces mots contenaient.

Ann Rocard





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(17) HAÏKU 12

Rouge, noir et blanc
A minuit l’hiver suspend
les fruits du sorbier

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(18) POUR UN RIRE DE MOUETTE...

Pour un rire de mouette
sur un ciel délavé,
On oublierait récifs, tempêtes et naufrages,
Racailles et rocailles,
à l’affût sur les plages,
Tous ceux pour qui l’écoute est un mot délaissé.

Pour un rire de mouette
dans un bouquet d’écume,
Irisé par la mer et les embruns de lune,
Vous pourriez sans effort survoler l’océan,
Yeux dans le vague à l’âme, embués par les vents.

Pour un rire de mouette,
vous changeriez le monde,
la nuit resplendirait, étoilée d’eau profonde,
avant de regagner, sans attendre l’aurore,
de regagner le port.


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(19) HAÏKU 13

La fleur d’hellébore
ouvre les yeux rose et or
sur un jour nouveau

Ann Rocard





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(20) OISELEUR

Au fond d’un jardin sans couleurs,
il est un être que j’ignore ;
il est pour moi un oiseleur,
un ami ou peut-être un père
que je n’ai jamais rencontré ;
son nom disparut à l’aurore
noyé de rosée délétère.

Au fond d’un jardin sans couleurs,
les arbres pleurent son absence...
Il est pourtant là dans l’air pur
d’un jardin qui se remémore
une épopée de liens obscurs.
L’ai-je connu, imaginé ?
Est-il un souvenir d’enfance ?

Au fond d’un jardin sans couleurs,
il est un être que l’on aime
croiser au détour d’un sentier,
silhouette aux reflets d’émail
paré de perles d’oxymores.
Si l’on perçoit son immanence,
il nous élève entre deux eaux
et l’on respire sa présence
à fleur de peau.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(21) HAÏKU 14

Ne dis plus un mot
Ecoute le chant de l’eau
Où s’enfuient les rêves ?

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(22) HAÏKU 15

Que sera le monde
quand les oiseaux se tairont ?
La mort a raison

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(23) J’AVAIS HUIT ANS

J’avais huit ans,
de l’or dans les cheveux
et l’envie d’être aimée.
Les jonquilles riaient
jaunes
à perte de vue
et je revis souvent
ces instants lumineux.

J’avais huit ans
à l’écoute du vent
et le cœur en lambeaux.
Je roulais sur la pente,
les fleurs se relevaient
et leur rire éclatait
en milliers de soleils.

J’avais huit ans
ne sachant que ce jour
resterait un cadeau.
Je vivais hors du temps,
jonquilles
au fond des yeux,
couronnes de fougères,
regards de mon grand-père
qui souriait sans cesse.

J’avais huit ans,
cachant une blessure
sous le rire des fleurs
et riais avec elles.


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(24) HAÏKU 16

Retour en arrière
à l’origine du temps
Etrange chimère

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(25) HAÏKU 17

Au bord du layon
l’écho perdu d’un frisson
La vie m’interpelle

Ann Rocard





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(26) SEUL RESCAPÉ (chanson)

La fureur de l’éclair
avait jailli soudain.
Le monde était en guerre,
l’enfant pleurait en vain.

On lui avait fait croire
à la paix éternelle,
aux plus belles histoires,
au bonheur arc-en-ciel.

Pas de sauve-qui-peut...
Qui pourrait s’en soucier ?
Le monde était en feu,
l’enfant seul rescapé.

Tout était rouge et noir.
Ses larmes tarissaient.
Il n’avait plus d’espoir
et le jour se levait.

Sur cet enfer de sang,
l’enfant ferma les yeux
et bercé par le vent,
il murmura : je veux...

Oui, je veux que tout change,
que le passé revienne.
Mais un silence étrange
alimentait sa peine.

Que pouvait-il donc faire
dans ce monde perdu ?
Enfant, seul sur la Terre,
il gémit, puis se tut.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(27) HAÏKU 18

Plongée visionnaire
dans un passé révolu
Effet de lumière ?

Ann Rocard





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(28) FARANDOLE

Farandole...
Je m’envole
et l’écume batifole.
Puis un gravelot décolle
ravivant les souvenirs
qu’on croyait déjà fanés,
les images, les sourires
qu’on avait vite oubliés...
Souvenirs d’un ciel nouveau
où les mots se font oiseaux,
où les fleurs tracent sans fin
les nuages de l’espoir
sans craindre le lendemain.
Farandole au fil de l’eau,
farandole de mémoire...

Ann Rocard



MARS





Tableau de l'auteure


(1) HAÏKU 19

Lune rousse et or
sur le sable au crépuscule
Ballet funambule

Ann Rocard





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(2) HIVER ET PRIMEVÈRES

Etrange envie de fleurs
pour chasser les nouvelles,
les cris et les horreurs
que le monde déverse.

Courir se réfugier
dans un jardin secret
une heure, loin du temps,
à l’abri des tempêtes.

Echapper aux folies
de cette humanité
aux inégalités
qui ne font qu’empirer.

Trouver en plein hiver
deux ou trois primevères.
S’immerger un instant
dans leur éternité.

Ann Rocard





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(3) HAÏKU 20

A l’heure où le soir
lance un appel incertain
tout est illusoire

Ann Rocard





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(4) HAÏKU 21

Cueille une fleur d’encre
Soudain les ombres s’éveillent
la nuit t’émerveille


Ann Rocard





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(5) RÉPONSE

La réponse était là,
sous la couche de neige.
Il l’avait déposée
à l’aube de l’hiver
en espérant qu’un jour
on la découvrirait.
Réponse non écrite,
faite de mots secrets
imprimés dans l’écorce
d’une souche invisible.
Il l’avait murmurée
sans chercher à mentir ;
elle offrait alentour
l’écho d’un sortilège.

La réponse était là,
sous la couche de neige.
En ce matin de mars,
il fixait cet endroit
pour l’instant inviolé,
cet espace à l’abri
du silence enneigé.
Il attendait en vain
l’arrivée du printemps
qui permettrait enfin
à tous ses mots muets
de pouvoir s’exprimer.
La réponse était là...
Réponse et vérité.

Ann Rocard





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(6) HAÏKU 22

L’écho d’une pierre
à la surface de l’eau
Souffle nécessaire

Ann Rocard





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(7) CROCUS

Crocus à croquer
entre deux brins d’herbe
Crocus étonnés
dans ce monde acerbe

Crocus en attente
d’un autre futur
loin de la tourmente
et des moisissures

Crocus alanguis
un jour de dégel
Crocus à l’abri
d’un éclat de ciel

Crocus d’un matin
ou crocus d’un soir
Reflets d’un chagrin
Refrain dérisoire

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(8) HAÏKU 23

Chatons sans repère
dans l’air bleuté de l’hiver
rêvent d’océan


Ann Rocard





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(9) TOURBILLON D'ÉTOILES

Un tourbillon d’étoiles
dans un regard de feu
et la nuit s’illumine
sans espoir de retour.

Une pensée se voile...
Le monde était-il bleu
dans la nuit cristalline
aux reflets de velours ?

Et quand l’aube dévoile
image ou camaïeu,
un sourire enlumine
le ciel aux alentours.

Ann Rocard





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(10) ECUME

L’écume se retire
laissant des mots gravés
sur le sable nacré.

Nul ne pourra les lire
car les vagues effacent
quelques lettres fugaces.

Reste le souvenir
d’un secret murmuré
sur la plage enneigée.

L’écume se retire,
le temps passe et repasse
sur le sable sans traces.

Ann Rocard





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(11) HAÏKU 24

Une chevelure
de neige avait recouvert
l’arbre légendaire

Ann Rocard





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(12) CE N’ÉTAIT PLUS ICI, CE N’ÉTAIT PLUS LÀ-BAS


Il entrouvrit les yeux,
le monde avait changé.
La nuit s’était teintée
de jaune, rouge et bleu.
Ce n’était plus ici,
ce n’était plus là-bas...
Le monde avait changé,
il ignorait pourquoi.

Les bleus volaient sans cesse
et les rouges criaient
décrivant leur détresse,
leur refus d’exister.
Les bleus s’imaginaient
traverser l’univers
et les jaunes riaient,
inondés de lumière.
Les noirs s’éparpillaient
perdus dans cet espace
et les rouges pleuraient
en se voilant la face.

Il avait oublié
ce qu’il s’était passé.
Ce n’était plus ici,
ce n’était plus là-bas.
Il avait atterri
dans son propre tableau
où l’ombre de la nuit
ressemblait au chaos.
Prisonnier à jamais
du jaune, rouge et bleu,
il préféra rêver
et referma les yeux.

Ann Rocard





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(13) HAÏKU 25

Un buisson de houx
dans la lumière enneigée
d’un matin glacé

Ann Rocard





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(14) CHORÉGRAPHIE

En quelques pas de danse,
ils franchissent l’espace
d’un océan d’écume
et d’ombres qui s’enlacent.

La musique est en eux
et le rythme est en nous.
Gravelots sur la grève
où le ciel se dénoue.

Cette chorégraphie
apaise en un instant
des peurs insoupçonnées
et les laisse en suspens.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(15) HAÏKU DOUBLE 26

Montre-moi ta montre
Je te dirai qui tu es
On ne sait jamais

Montre-moi ta montre
Je te dirai s’il est l’heure
de croire au bonheur


Ann Rocard





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(16) HAÏKU 27

Je l’ai vu danser
à l’horizon gris et vert
entre ciel et mer

Ann Rocard





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(17) SUR LES DÉCOMBRES

Horreur d’un soir
où tout explose,
où la violence fait fureur.
Les cris jaillissent
entre les roses...
La vie n’est qu’un fétu de paille
entre les mains des fous de guerre.
Mains qu’ils croient guidées par un dieu,
être lugubre et sanguinaire.

Horreur d’un soir
où tout s’éteint
et d’un matin noyé de larmes
à l’horizon sans lendemain...
Larmes de sources improbables
dont le sel ne peut plus sécher.
Le sang ruisselle entre les ombres
dans le silence et l’air glacé.

Horreur qu’on espérait finie,
voilée par tous les beaux discours.
Mais les croyances
hélas perdurent,
le fanatisme est de retour...
Parmi les rares survivants,
des voix s’élèvent, solitaires.
Pourtant qui saura les entendre
au fil des ans, des millénaires ?

Il se fait tard,
il se fait sombre,
et mon cœur meurtri se délite
sur les décombres.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(18) HAÏKU 28

Quand il s’est éteint
l’onde de l’obscurité
l’a enveloppé


Ann Rocard





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(19) HAÏKU 29

Cassisflore en fleur
d’un hiver qui se méprend
Dernier signe blanc

Ann Rocard





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(20) PREMIER JOUR DE PRINTEMPS

Premier jour de printemps...
Le jardin se réveille
dans la brume opaline,
accueillant mille oiseaux
qui soudain s’interpellent.
Curieuse ritournelle.

Premier jour de printemps...
Un parfum ensorcelle
celui qui s’aventure
près d’une haie fleurie,
clématites d’Armand
aux reflets verts et blancs.

Premier jour de printemps...
Le souffle imperceptible
des bourgeons qui s’étirent,
frôle du bout de l’aile
l’espoir de renaissance.
Invisible présence.

Premier jour de printemps...
La nature s’enivre
et transmet alentour
le désir d’un futur
qui serait différent
aux quatre coins du temps.

Premier jour de printemps...
Surprenez le sourire
d’une mésange bleue
ou d’un merle moqueur
sur la branche d’un pin.
Message sibyllin.


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(21) HAÏKU 30

La vie se poursuit
de l’autre côté du mur
en un long murmure

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(22) VÉRITÉS

La vérité se décompose
en fragments de lune ambigus.
La vérité nous met à nu,
les mensonges nous indisposent.

La vérité se croit unique,
perle sacrée de quelques-uns
qui détiendraient un parchemin,
fait de certitude éclectique.

Kaléidoscope éclaté,
la vérité nous met en face
d’une étrange réalité
qui n’affleure qu’à la surface
d’un monde où règnent des croyances
auxquelles certains ne croient plus...
D’autres avec condescendance
s’approprient des idées reçues.

La vérité se décompose
en multiples battements d’ailes,
le temps infini d’une pause...
car la vérité est plurielle.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(23) HAÏKU 31

Matin naufragé
Si les nuages s’enflamment
essaie d’oublier

Ann Rocard





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(24) SOURIRE EN DEMI-TEINTE

Dans la nuit, je chemine
sans craindre les écueils...
Nervures sur les feuilles
quand le ciel s’illumine.

Au détour du sous-bois,
un éclat de lumière
et l’écho d’une voix
là-bas, dans la clairière.

Dans la nuit, je m’évade,
sourire en demi-teinte,
chantonnant la ballade
d’une époque défunte.

A l’ombre d’un buisson,
quelques instants de paix,
le souvenir d’un nom
qui ne s’éteint jamais.

Dans la nuit, je m’éloigne,
effleurant le sentier
au cœur de la montagne
où je t’ai retrouvé.

Ann Rocard





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(25) HAÏKU 32

Un grain de poussière
sur le chemin des étoiles
Tout n’est que mystère

Ann Rocard





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(26) A L’ABRI DU FEUILLAGE

A l’abri du feuillage,
il observe les ombres,
le vol des oies sauvages
fuyant dans la pénombre.

A l’abri du feuillage,
il saisit des pensées,
étonnants témoignages
qu’on croyait oubliés.

A l’abri du feuillage,
il perçoit les reflets
d’un horizon mirage
qui s’éloigne à jamais.

A l’abri du feuillage,
l’espoir a disparu...
Il repense aux visages
qu’il n’a jamais revus.

A l’abri du feuillage,
il s’apaise et commence
son tout dernier voyage.
Etrange renaissance.


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(27) HAÏKU 33

Cueille un muscaris
à l’orée d’un bois de pins
Poursuis ton chemin

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(28) J’aurais aimé nager ainsi...

C’était un matin de tempête.
Je m’étais posée sur les vagues
entre les algues, les rochers...
Et l’écume tourbillonnait.

Un vent fou sifflait à tue-tête.
Je venais de la galaxie
où les planètes de cristal
scintillent comme des étoiles.

J’étais naïve, un peu distraite.
Je suis née entre rose et bleu
à l’heure où le soleil colore,
le ciel et l’ombre avant l’aurore.

Au loin, le rire d’une mouette...
Un cœur battait au fond des eaux,
rythme lointain et rassurant ;
et je traversais l’océan.

Sans la moindre pensée secrète,
j’entendais le chant des baleines.
J’aurais aimé nager ainsi
au fil des siècles sans souci.

Parfois tout change ou bien s’arrête...
La houle devenait violente ;
j’ai échoué sur un rivage
après neuf mois d’un long voyage.

La vie entrouvre les fenêtres.
J’ai savouré le vent salé,
une voix souvent entendue...
Le chant des baleines s’est tu

Ann Rocard





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(29) HAÏKU 34

Le ciel s’alanguit
Enivré de mauve et rose
l’horizon s’enfuit


Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(30) LE FIL DE L’HISTOIRE


Quand le fil se faufile
dans le chas de l’aiguille,
il sourit aux étoiles,
à l’espace
sans limites,
à l’univers entier,
sous une pluie si fine
que lui-même
s’y perdrait.

C’est le fil d’une histoire
et c’est le fil du souffle,
le souffle de la vie,
le souffle de la nuit,
cette nuit insondable
dont on ne peut sortir,
tel un cocon douillet
où l’on est à l’abri.

C’est un souffle extérieur
qu’on ne peut maîtriser,
un tyran domestique,
un tyran étatique.
Et pour lui échapper,
il nous faut faire appel
à un souffle intérieur,
invisible et puissant,
qui se transforme en brise
et calme l’océan.

C’est une histoire ancienne
à la fin méconnue,
un fil qui se défile
sans raison ni logique,
un fil incandescent
qui n’a plus aucun sens
et qui pourtant nous guide
sur le chemin de vie.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(31) HAÏKU 35

Giboulées de mars
Les giroflées se dispersent
en larmes éparses

Ann Rocard



CHALLENGE 2021
LES POÈMES DE L'AUBE
Un poème chaque matin...


AVRIL






Tableau de l'auteure


(1) CONTRE VENTS ET MARÉES

Contre vents et marées,
affronter les tempêtes
en espérant toujours
atteindre l’horizon.

Contre vents et marées,
s’imaginer poète
contant au point du jour
une étrange chanson.

Contre vents et marées,
poursuivre à l’aveuglette
un impossible amour,
le souvenir d’un nom.

Contre vents et marées,
jouer les trouble-fête,
exprimer alentour
ses revendications.

Contre vents et marées,
s’en tenir à sa quête,
quête de jour en jour
malgré les tourbillons.

Contre vents et marées,
en barque ou goélette,
poursuivre sans retour
espoir ou illusions.

Ann Rocard





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(2) SANS LIMITE ENTRE CIEL ET MER

Sans limite entre ciel et mer,
l’horizon n’est qu’un souvenir
d’un monde qui a disparu
un soir d’avril, un jour sans âme.

Je suis partie loin sur les flots
à la recherche d’un futur
qui n’avait plus de raison d’être.
Le vent soufflait,
soufflait sans cesse,
hostile aux espoirs de ma quête.

Mais j’avançais sans crier gare,
le regard fixé vers un point
inexistant et sans mémoire.
J’avançais, portée par un songe,
un refrain jadis fredonné,
une ode à un bonheur perdu
un soir d’avril, un jour glacé.

Je suis partie, sans illusions
ni croyance préétablie.
J’ai cheminé au gré des vagues
vers un mirage, une utopie
qui s’éloignait dans un murmure.

Sans limite entre ciel et mer,
la notion même d’horizon
n’avait plus que la consistance
d’une larme au bord d’un fossé.

J’ai perçu soudain son parfum,
perlé d’embruns et de pétales.
Je l’ai suivi, les yeux fermés.
Sans réfléchir, le cœur ouvert...
Et peu à peu, ce souvenir
a pointé entre ciel et mer.
Nouvel horizon sans limites,
que j’ai cueilli sans hésiter...
un soir d’avril, un jour doré.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(3) ELLIPSES

Il parle par ellipses
s’adressant à la ronde,
il jongle avec les mots.
Les idées se confondent.

Pourtant nous écoutons
son discours allusif,
raccourci éminent,
brodé de hiéroglyphes.

Un dialogue incompris
fait de sous-entendus.
Chacun picore en vain
des phrases suspendues.

Quand l’ellipse du verbe
vous ôte la parole,
comment interpréter
de telles paraboles ?

La communication
s’égare dans la brume
Plus rien ne nous relie,
l’échange se consume.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(4) LE CIEL EST BLANC SANS AMERTUME

Le ciel est blanc comme la neige,
voile de brume au petit jour.
Le ciel est blanc sans amertume
et sa caresse nous entoure.
Un ciel de lait qui s’interroge
sur la vie juste ou sirupeuse.
Un ciel qui porte encore en lui
le rêve oublié d’une nuit.

Céleste est là, nappée d’aurore,
et sa présence est apaisante.
Elle dit les mots qui éclairent,
le sens perdu d’une ophélie
et la tendresse d’un instant.
Elle connaît l’aube cachée
dans la mémoire d’un présent,
et sait que la vie se réfère
à l’éternel commencement
d’un lieu sans lune ni repère.

Elle se fond dans le ciel blanc.
Elle est la sœur, elle est la mère
ou bien l’enfant qui nous est cher...
Elle est le double qu’on espère.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(5) HAÏKU 36

Je rêve ou lévite
Voyage intersidéral
Où sont les limites ?

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(6) PAROLES

Parole qui s’envole,
trop libre et volatile.
Parole
sans fondement,
sans écho inutile.
Parole
faite de mots
monotones
ou méchants.

Quand les mots
sont des maux
pris au pied de la lettre,
des maux sans raison d’être,
la parole détonne,
la parole est tonnerre
et peut transpercer l’air,
l’air de rien,
l’air du temps.

Parole qui s’envole,
assassine ou futile.
Des mots que l’on échange,
où frémit l’émotion
d’un idéal détruit
et qu’on ne peut atteindre.

Mais les mots sont aussi
des fleurs du lendemain,
se fanant au matin
ou s’ouvrant à la lune.
Les mots sont des joyaux,
éphémères
ou joyeux.

Avec ces mots caresses,
nous referions le monde,
utopie, renouveau
dans un monde sans maux.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(7) HAÏKU 37

Entre les rouages
de ces vies qui s’entrecroisent
guetter un message

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(8) NE TE DÉCOUVRE PAS D’UN FIL...

En avril
sans mobile,
ne te découvre pas
du moindre petit fil.
De quel fil
s’agit-il ?
Celui qui permettrait
de ressortir indemne
d’un labyrinthe obscur
où l’on s’est égaré ?
N’hésitez pas longtemps,
passez un coup de fil,
demandez à Ariane
le fil de ses pensées.

En avril,
difficile
de se croire en été
et d’en perdre le fil.
De quel fil
s’agit-il ?
Celui qui vous apporte
bien du fil à retordre
ou qui vous importune,
tel un fil à la patte ?
Celui qui vous protège
quand l’espoir d’une vie
ne tient plus qu’à un fil,
sifflant : « Echec et mat ! ».

Quand avril
volatil
s’effile au fil des jours,
un proverbe futile
se distille alentour.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(9) HAÏKU 38

Quand le jour s’éveille
écoute au cœur de la treille
le chant du coucou


Ann Rocard





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(10) EN VAIN...

De fleur en fleur dans mon jardin,
une pensée chemine en vain.
Sa voix se perd dans le silence
du merle dont le chant s’est tu.

Pensée légère
qui se dispense
de toute temporalité,
pensée d’hiver
qui se disperse
entre brins d’herbe et graminées,
Pensée légère
trop éphémère
à la recherche de l’été.

Sur l’écorce d’un arbre mort,
une pensée chemine encore.
Sa quête est celle que le vent
égrène dans la nuit des temps.

Pensée qui ne sait que penser
de la vie d’ombre et de barrières.
Pensée qui se voudrait active
mais se perd au cœur des bruyères.
Pensée d’un soir,
pensée d’espoir
à la recherche de lumière.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(11) HAÏKU 39


Ta main sur ma peau
Soudain tout mon corps s’enflamme
Par monts et par vaux

Ann Rocard





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(12) UN AVION TRAVERSE LE CIEL...

Un avion traverse le ciel
à l’heure où l’ombre se déchire.
Tel un oiseau à tire-d’aile,
il emporte mes souvenirs.

J’ai beau rechercher les images
de cette époque surannée,
je ne revois qu’un noir rivage,
un cri sur le sable mouillé.

Sur la plage un enfant rêvait
d’un monde bleu, imaginaire.
Silhouette sans un regret
quittant le froid d’un long hiver.

Derrière un lambeau de nuages
se cache la vie d’autrefois
qui embellissait les mirages
et changeait le timbre des voix.

Un avion traverse le ciel
et plonge dans l’éternité.
Je ne serai plus jamais celle
que je croyais avoir été.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(13) HAÏKU 40

Laisse-toi porter
par la brise et les embruns
Voyage sans fin ?

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(14) Eternel leitmotiv

Il déambule
en équilibre
sur le bois sombre des solives.
Un funambule
qui se croit libre
de vivre seul, à la dérive.

Centré sur lui
et son bien-être,
suivant sa propre perspective,
il se réjouit
et croit renaître
en une ultime tentative.

Sans un regard
pour ceux qui restent...
C’est l’éternel leitmotiv :
celui qui part,
lâche du lest
et s’éloigne sur l’autre rive.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(15) L’œuf était dans la tombe...

L’œuf était dans la tombe,
il ne regardait rien.
Cahin-caha, dans l’ombre
d’un toit aux reflets bruns.

L’œuf était dans la tombe,
il fuyait son destin.
Son regard était sombre,
l’espoir s’était éteint.

L’œuf était dans la tombe,
il ignorait Caïn,
perdu dans la pénombre.
Tous deux ne faisaient qu’un.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(16) HAÏKU 41

Visage masqué
et sourire en embuscade
Sombre mascarade

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(17) SON VOYAGE SE TERMINE

Un long voyage s’achève.
Il aperçoit les collines
qu’il imaginait en rêve
dans la brume zinzoline.

Il a parcouru les mers,
les deux mains sur les boulines,
se nourrissant de chimères...
Les nuages le fascinent.

Evitant le genre humain,
caressant sa mandoline,
il chantait les vieux refrains
d’un pays qu’on assassine.

Il ne fuira plus sans fin
les conflits et la famine.
Il vivra auprès des siens...
Il est celui qu’on estime.

Aujourd’hui, la côte est proche,
il écoute les clarines.
Pas de regrets ni reproches...
Son voyage se termine.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(18) HAÏKU 42

La boîte à musique
égrène un air métallique
venu de l’enfance

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(19) JE MARCHAIS SUR LE CIEL

Te souviens-tu de ce matin ?
Je marchais sans bruit sur le ciel
et je n’avais que dix-sept ans.
J’étais candide et immortelle.

L’avenir s’étendait à l’aube
des nuages en ribambelle.
Je dansais en apesanteur,
j’étais l’ombre d’une hirondelle.

La vie serait un long voyage,
le vent emportait les ombelles.
La nuit s’éloignait à pas lents...
L’utopie me donnait des ailes.

Tout reposait sur la confiance...
Mais la vie ne fut jamais celle
dont j’imaginais l’aventure.
Les univers sont parallèles.

Te souviens-tu de ce matin ?
Peu à peu, le ciel se pommelle.
On ne peut changer le passé.
L’aube vacille et je chancelle.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(20) EFFEUILLAGE

Le feuillage frissonne,
le feuillage où s’écrit
le cycle de la vie
de nervure en nervure.
Le feuillage frémit,
un sentier apparaît.

Qui longe ce chemin
sans jamais s’arrêter ?
Le temps... Le temps qui sait
que la voie est sans trêve
une avancée vers soi
et un pas vers les autres.

Sur le sentier défilent
les souvenirs perdus,
le souffle des paroles
que l’on n’écoute plus.
L’avenir se faufile
à l’abri des grands arbres
et j’essaie de le suivre.

Où va-t-il ? Que m’importe,
le fil est à ma porte...
ma portée de musique
comme un refrain majeur.

La clef se trouve là,
clef de sol, clef de fa,
réponse existentielle
dans les sous-bois gelés
par la dernière nuit.

Le fil est à ma porte
et parle par énigmes.
Je ne comprends pas tout,
mais me laisse porter
par ce fil invisible,
effeuillage incertain,
ce fil qui me relie
au monde de demain.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(21) HAÏKU 43

Ils sifflent l’espoir
d’un jour au parfum de miel
Un air de Cybèle

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(22) DOUBLE


A la frontière
de l’irréel
apparaît une silhouette.
Elle s’approche
à pas de lune.
Quel est son nom ? Quelle est sa quête ?

Ce n’est sans doute
qu’une illusion,
sa propre image qu’on projette
là où l’espace
est inconscient,
là où les rêves se reflètent.

A la frontière
de l’irréel,
quel est ce double qu’on accepte ?
Celui qu’on est
ou qu’on sera
après l’orage et la tempête.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(23) HAÏKU 44

Croque le soleil
Croque-le à pleines dents
quand il vole au vent

Ann Rocard





Photo de l'auteure...
à l'envers (l'auteure ou la photo ?)



(24) LA TERRE NE TOURNE PLUS ROND

Pieds en l’air et tête en bas,
quelque chose ne va pas,
la Terre
ne tourne plus rond.
Il pleut des larmes de ciel
et les cœurs sont en dentelle.

Tête en bas et pieds en l’air,
l’océan est en colère.
La Terre
quitte son ellipse,
glisse sur la Voie Lactée
et la mer est médusée.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(25) PHILANTHROPIQUES

Ils suivaient des routes tracées
qui se croisaient parfois le soir
sans pour autant se rencontrer.
Echanges brefs et illusoires.

Au long des chemins elliptiques,
le regard fixé sur eux-mêmes,
ils se disaient philanthropiques,
ignorant le moindre dilemme.

Ils croyaient être les meilleurs,
ils connaissaient la Vérité.
Mais les mots n’ont pas de valeur
si l’on ne sait les partager.

Un jour, les routes se distendent
et les certitudes s’effritent.
Ils découvrent un no man’s land...
Mais qu’arrivera-t-il ensuite ?

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(26) HAÏKU 45

Pris dans l’engrenage
d’un destin qui les opprime
Tourner une page ?

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(27) CUEILLE TA VIE À PLEINES MAINS

La vie vient comme elle est.
Vie de rêve ou de peur.
Rivière qui serpente
entre les champs de fleurs
ou les rochers abrupts,
les arbres qui s’effeuillent...
évitant de justesse
les gouffres, les écueils.

Cueille-la ce matin.
Cueille sans hésiter
ta vie à pleines mains.

Suis le vol d’un oiseau
et son parfum d’anis.
Ecoute la complainte
de tous les myosotis :
« Surtout ne m’oublie pas !
C’est le nom que je porte.
Vergiss, Vergissmeinnicht,
ou bien forget-me-not ! »

Cueille-la ce matin.
Cueille sans hésiter
ta vie à pleines mains.

Car la vie est en toi,
soleil venu d’ailleurs.
Il brille dans tes yeux,
il vibre dans ton cœur.
Et tu sais partager
ce bouquet de rayons,
ces éclats de lumière
dénués de raison.

Cueille-la ce matin.
Cueille sans hésiter
ta vie à pleines mains.

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(28) SUR LA POINTE DES PIEDS

Sur la pointe des pieds,
il effleure l’écume.
La mer est déchaînée
et les embruns parfument
un songe rose et gris.

Sur la pointe des pieds,
il atteint l’horizon.
Le Noroit courroucé
joue à saute-mouton,
mais qu’importent ses cris.

Sur la pointe des pieds,
il survole les vagues.
Le jour s’en est allé
et la brume divague
en attendant la nuit.

Ann Rocard





Tableau de l'auteure


(29) HAÏKU 46

Des mots — des regards
des vies aux mille visages
Un même langage

Ann Rocard





Photo de l'auteure


(30) IMAGE EN MIROIR

Une image en miroir
révèle un autre monde
où fusent des questions,
des pensées vagabondes.
Le portrait déformé
d’un lointain irréel
sur lequel le regard
glisse ou se renouvelle.

Du feuillage immergé
montent des étincelles,
des souvenirs fanés,
de vieilles ritournelles.
Picorer un fragment,
l’embellir au soleil,
revisiter l’espoir
d’un jour bleu qui s’éveille.

L’image se dédouble,
nous berce d’illusions.
Qui étions-nous alors ?
Un point à l’horizon...
Les racines d’un arbre
plongent dans l’océan
de sourires de marbre,
prisonniers d’un étang.

Cette image en miroir
qui s’efface parfois,
nous attire au-delà
des frontières du soi.
Les ombres et reflets
de ce monde extérieur
ne sont que les aspects
des battements d’un cœur.

Ann Rocard



Suite des Poèmes de l'aube
de MAI à AOÛT 2021 :


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